Carte blanche à Julie Stome
Commencer par une exposition de dessins pour évoquer l’humain et son avenir pourrait sembler peu avant-gardiste tant ce médium est historiquement lié à l’apprentissage académique. Depuis la Renaissance, les artistes appréhendent le corps humain par un travail de dessin soutenu, perçu à l’époque comme un entrainement et non un travail abouti.
En ce début d’année scolaire 2024, on peut aussi envisager les choses sous un autre prisme : le dessin est un médium fort symboliquement parlant. Matériellement parlant il s’agit d’une technique qui laisse une trace fragile sur le papier à la manière dont le corps peut laisser des empreintes éphémères sur son environnement. Inviter Julie Stome, professeure de Modèle Vivant et de Portrait, à nous donner sa perception du corps via ce médium est une manière d’ouvrir d’autres voies et d’introduire la réflexion d’année autour de l’humain et de ses modes de représentation aujourd’hui et demain.
En effet Julie Stome cherche sous les apparences en creusant dans le support. Ce geste transforme alors le papier en une métaphore de la peau humaine. Il ne s’agit plus de voir le derme, mais d’aller explorer l’épiderme et ses dessous. Ses dessins ciselés renvoient à un geste archéologique d’où émerge une volonté de comprendre l’être humain tant dans sa dimension biologique qu’émotionnelle.
Il faut bien se garder de voir dans les dessins de Julie Stome qu’une perception anatomique. Si son travail peut faire penser par certains côtés à la tradition des écorchés du 18e siècle, il ne fait émerger que des fragments d’anatomie. Julie Stome aborde le corps par le manque, l’absence d’une complétude. Le geste guide la construction de la forme qui se dégage et conduit parfois à des analogies avec le monde végétal. La question de l’humain est en effet indissociable des liens avec la nature. Les discussions autour de l’identité qui animent aujourd’hui le monde philosophie, sociologique et artistiques sont inextricablement reliées aux problèmes environnementaux.
Julie Stome tente alors plusieurs opérations plastiques et esthétiques afin de rechercher les nombreuses tonalités de l’humain d’aujourd’hui. Le travail en série traduit cette quête impossible et mouvante qui relève presque du mythe de Sisyphe. Son acharnement et la délicatesse paradoxale de ses dessins sont à l’image de notre monde actuel et de ses inquiétudes.
Florence Graux, professeure au Conservatoire, département arts visuels